Category: Neuroscience





L’état des recherches en Neurosciences permet désormais de décoder les subtilités du fonctionnement du cerveau et les situations perturbantes pour tout être humain, voire insupportable si elles persistent. Ce qui permet à un individu de vivre au mieux est lié à sa capacité d’adaptation située dans le néocortex préfrontal. « A condition organisationnelle ou managériale égale, le niveau de stress d’un individu est d’autant plus faible que sa capacité à solliciter son « intelligence adaptative » est élevée. Mais pour solliciter cette forme d’intelligence, il faut admettre son incompétence, ses erreurs et ses limites et éviter de se verrouiller en mode « je suis compétent ». C’est adopter un état d’esprit alliant curiosité, souplesse, nuance, prise de recul et de hauteur, réflexion logique et opinion personnelle pleinement assumée », souligne Jacques Fradin. Bref, c’est lâcher prise plutôt que de s’accrocher coûte que coûte à sa façon de faire, et parvenir à ne pas dramatiser les situations. Un constat que Socrate n’aurait pas démenti avec son aphorisme « je sais que je ne sais rien ». Moralité : le stress est donc d’autant plus faible que l’on est capable de solliciter cette fameuse intelligence adaptative, ce qui revient à une forme de résilience aboutie. Un doux mélange entre action et acceptation chères à Epitecte.



Vers une cognition globale, des super-organismes,communautés, organisations.

 

Quatre formes d’état  distinguent les super organismes émergeants :

  • Le premier super-organisme serait neuro programmé. Comme notre cerveau collectif conditionné par notre culture et éducation.
  • La seconde, serait plus autonome. L’un des processus les plus typiques signant ce genre de comportement est la rétroaction, ou feedback, par lequel un système (méta-individu) est capable de moduler ses entrées pour garder un fonctionnement optimal. Nous devrions observer une multiplication des phénomènes de rétroaction.
  • La troisième, à l’autonomie s’ajoute l’intelligence collective. Cette intelligence en viendra à transcender le mode de pensée humain individuel. Ce qui émerge en ce moment.
  • La quatrième, émergera le superorganisme conscient. L’apparition d’une conscience de soi en réseau d’individus. Le Réseau se manifestera par la génération d’une représentation de lui-même : autrement dit, le réseau développera sa propre cartographie mentale, sa propre représentation et perception collective de la réalité– en temps réel, incluant, bien sûr, une représentation de ladite représentation…on inclut dans le système global des éléments déjà conscients : autrement dit, les êtres humains eux-mêmes.

Après avoir expérimenté différentes méthodes dans le but d’augmenter la conscience individuelle et collective en créant une connexion favorisant l’intelligence collective, une réflexion s’impose sur la modélisation expérimentale de la cognition collective émergeante de super-organismes composés d’un assemblage communautaire de cerveaux humains.  Tout en excluant  volontairement l’aspect systémique dans cet article, l’influence de la culture et les champs sociaux qui ont forcément une très grande influence sur la psyché groupale afin de nous concentrer davantage sur les liens entre individus favorisant des états de conscience et d’intelligence supérieures.

Lorsqu’une émergence collective surgit du néant, une sensation accompagne le groupe comme la suspension du jugement, la légèreté, la profondeur,  une forme d’incompréhensibilité du vécu accompagné de sensation de vide très réel.  La psyché groupale ainsi constituée à partir d’une intention profonde, et dans un espace de cognition d’ensemble, pose la question de l’existence d’un cerveau collectif composé d’un assemblage de cerveaux reptiliens, limbiques et néo cortex (réseau de cerveaux). En effet, dès que le bruit du mental s’estompe suivant un processus défini de  mise en lien collectif et de communication  d’informations entre individu suivant une direction prédéterminée, un état de conscience globale émerge à partir d’une sensation de vide de cognition. Une sorte de pensée a-symbolique et a-culturelle presque inconsciente et pourtant émergente de l’invisible apparaît. Un peu comme si lesschémas mentaux de tous, les croyances collectives s’associaient pour voir plus grand, entendre plus loin, être et faire quelque chose de plus vaste dans un tout plus étenduque soi à la manière d’une super-psyché d’un super organisme avec son propre système nerveux central collectif.

Les sensations collectives ressenties distinctement et individuellement surgissent dans une ambiance très spécifique de ralentissement de la cognition et de silence profond, créant un espace de conscience collective nouveau  à partir d’une sorte de vide fertile. Des méta-individus avec une intelligence et une posture particulière échangeant desinformations limitées et profondes sont capables de mettre en commun des ressources pour accomplir un objectif au-delà des capacités individuelles. De ses ressources supérieures nées un système auto-organisé, sans structure ni leadership, à l’instar des vols d’oiseaux ou des bancs de poissons.

Imaginons une multitude de groupes d’individus composée de 5 personnes (réseaux) souhaitant mettre en commun leur réflexion suivant un processus d’émergence  plus élevé en complexité, nous verrions les groupes s’auto-organiser en structure de commandement  et d’organisation. C’est ainsi que nait un méta-individu ; un individu collectif né de la fusion de ses composants (autres méta-individus), possédant sa propre conscience et son propre système nerveux en lien avec un organe supérieur.

Suivant le mode d’échange égotique ou de conscience de soi, le système identifiera au sein de ces superorganismes des forces antagonistes assurant la cohésion interne (lesgardiens de la conformité), le renouvellement (les générateurs de complexité), l’optimisation de l’affectation des ressources, etc. Ces forces peuvent être exercées par des individus, tels que les chefs, leaders ou leurs serviteurs, consciemment ou inconsciemment. Mais elles peuvent aussi résulter d’un mode et d’une dynamique propre aux échanges de messages entre individus, que ce soit au sein des bancs de poissons, des vols d’oiseaux ou des sociétés humaines. Il disposera notamment, comme le système cognitif, d’agents d’introspection (des hommes en charge de cette fonction) qui l’analyseront en permanence de l’intérieur et produiront des images du groupe mobilisant les agents sensoriels et moteurs (d’autres méta-individus) en relation avec le monde extérieur. Par ailleurs, le concept de superorganisme, nous l’avons vu, aura l’intérêt d’obliger les agents du groupe à le considérer comme un tout, au lieu de disperser leur attention sur les individus qui le constitue.

Le super organisme se trouvera au niveau des capacités d’auto-représentation collective et de génération d’états de conscience partagés (psyché collective). Les groupes humain au contraire auront un très grand nombre d’agents d’introspection indispensables à la prise de conscience de soi dans son environnement et un système nerveux central pour supporterune conscience de soi globale.. Il pourra également mémoriser, globaliser et transmettre ses états de conscience avec une très grande puissance, dans le temps et dans l’espace.


L’être humain, le méta-individu – et aussi les groupes d’êtres humains – sont en chemin vers ce stade d’évolution de la cognition collective au travers de l’éveil à l’intelligence collective.



Via Scoop.itCoaching de l’Intelligence collective

Le stress est la « maladie du siècle ». Nous nous sentons stressés par notre rythme de vie, notre travail, les transports, etc. Or une vie très stressante favoriserait l’apparition de maladies neurodégénératives. Mais le stress renforce aussi aussi l’attention, la mémoire et les capacités d’apprentissage. Comment le contrôler efficacement ?

Tous les deux mois Cerveau et Psycho décrypte le fonctionnement du cerveau et vous livre des clés pour mieux comprendre vos comportements et ceux d’autrui. Pourquoi vous mettez-vous en colère ? Pourquoi rougissez-vous ? La maladie d’Alzheimer, quels traitements ? Dans chaque numéro, retrouvez : – Des articles de psychologie : le comportement au travail, la séduction, la violence sociale… – Des articles de neurobiologie : la migraine, la mémoire, les illusions – Des dossiers de synthèse : les rêves, les émotions, les dépendances aux drogues… – Des débats, des rubriques, des interviews Et désormais chaque trimestre depuis février 2010, L’Essentiel Cerveau et Psycho vous propose un dossier complet sur une question de psychologie ou de neurobiologie.
Via www.viapresse.com


Via Scoop.itCoaching de l’Intelligence collective

Maîtriser votre concentration. Un pouvoir qui mène vers l’extase de tous (sportif, sicentifique, religieux, managers, artistes, amoureux, etc..).   Toutes les techniques au banc d’essai!

Le cerveau attentif, contrôle et lâcher-prise
Développer l’attention des enfants   Au pays de l’écologie cognitive et des nouvelles technologies, différentes méthodes existent et rivalisent de promesses. Le Monde de l’Intelligence a sélectionné pour vous 5 techniques à mettre en œuvre.

Via mondeo.fr


Comprendre le fonctionnement du cerveau est l’un des enjeux de la convergence des technologies à la fois parce qu’il est devenu un objet de technologie, mais également parce l’étude de son fonctionnement permet d’envisager des technologies pour dépasser ses limites. C’est ce que va essayer de nous faire comprendre Rémi Sussan dans ce dossier d’InternetActu.

C’est la crise. Le patient château de cartes élaboré au fil des dernières années par les institutions financières s’est effondré d’un seul coup. Une occasion – de plus – pour constater les limites de la croyance en l’homo economicus, animal rationnel qui sait en toutes circonstances choisir ses options en fonction de son intérêt bien compris.

Nous avons vu que le cerveau humain ne correspondait guère à un ordinateur de type PC, en ce qui concernait les entrées-sorties ou la mémoire… Un coup d’oeil sur la manière dont il prend les décisions nous fera comprendre que le cerveau n’est pas, et de loin, une CPU classique (Central Processing Unit pour « Unité centrale de traitement » c’est-à-dire le processeur d’un ordinateur qui interprète les instructions et traite les données d’un programme). Notre raisonnement abstrait n’est pas seulement influencé par le corps, les émotions, et les sens ; bien plus que cela, il est bâti dessus. Pour le linguiste cognitif George Lakoff, même l’architecture la plus abstraite conçue par l’homme, les mathématiques, repose finalement sur un ensemble de métaphores qui trouvent leur origine dans le corps. Dans son livre, Philosophy in the flesh (Philosophie dans la chair), il résume ainsi sa conception de l’esprit :

« L’esprit est fondamentalement incarné.
La pensée est la, plupart du temps inconsciente.
Les concepts abstraits sont largement métaphoriques.
Voici les trois découvertes majeures des sciences cognitives. (…) A cause de ces découvertes, la philosophie ne pourra plus jamais être la même. »

L’intuition et la raison

Selon Jean-Michel Cornu, le neurologue Alain Berthoz divise en deux circuits nos capacités de décision : il y a les « voies courtes », capables de réagir en 80 ms, et donc idéales pour faire face aux dangers, et les voies longues, qui correspondent à la « pensée » au sens où on l’entend habituellement.

D’autres préfèreront opposer les différentes parties du cerveau. C’est le genre de choses qu’on voit dans les analyses utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) tant prisées par les adeptes du neuromarketing. On évoque alors l’activité de l’amygdale (qui réagit face au danger) du cortex préfrontal, qui correspond à nos capacités de planification et de décision, etc. Mais il n’est pas toujours facile d’associer une fonction mentale avec une zone du cerveau. Un économiste comme Terry Burnham simplifie les choses en se contentant d’opposer l’ancien cerveau (Burnham parle du « cerveau du lézard » dans son livre Mean Markets and Lizard Brains), celui qui s’est progressivement développé au cours des millions d’années d’évolution et le cerveau moderne, celui qui héberge nos facultés de raisonnement abstraites. Mais en fait, point n’est besoin d’entrer dans des considérations anatomiques. On peut voir les choses de manière complètement abstraite. C’est largement suffisant pour notre hypothétique cognhacker, qui se pose les questions pratiques (Que faire ? Comment ça marche ?).

Ainsi, le philosophe Nassim Nicholas Taleb, dans son livre Le Cygne noir, la puissance de l’imprévisible, récemment traduit, oppose simplement le « système 1 » au « système 2″… Le « système 1 » est ce qu’on nomme l’intuition. C’est un système rapide, reposant largement sur les émotions, mais qui peut commettre des erreurs. Le second est notre pensée rationnelle classique. La plupart des problèmes explique Taleb, arrivent lorsque nous agissons en utilisant le « système 1 » alors que nous croyons employer notre « système 2 ».

Mais ce « système 1 » ne doit pas être sous-estimé. S’il est piètre calculateur et dirigé par l’émotion, il est aussi parfois plus perspicace et plus rapide que le cerveau « rationnel ». L’intuition, ce n’est pas juste un truc New AgeLa fameuse expérience de Bechara et Damasio, effectuée en en 1996, en est l’illustration.

Bechara et Damasio ont ainsi proposé à leurs cobayes de jouer à un jeu truqué. Selon les piles de cartes que l’on tirait, on pouvait avec certaines gagner ou perdre de petites sommes, mais dans l’ensemble, on gagnait de l’argent. Dans les autres piles, on avait beaucoup plus de chance de tirer de mauvaises cartes et donc de perdre gros. On gagnait ou perdait de plus grosses mises, mais au final on était plutôt perdant.

On a remarqué qu’au bout d’un certain nombre de tirages, les sujets avaient spontanément tendance à choisir de plus en plus fréquemment dans les « bons » paquets, et rechigner à piocher dans les « mauvais ». Ce n’est pourtant que bien plus tard qu’ils se rendaient consciemment compte que les chances étaient inégalement distribuées.

Dans ce cas, on peut remercier le « système 1 ». Il s’est rendu compte bien avant la conscience rationnelle de l’anormalité des évènements et a agi en envoyant au corps une série de sensations corporelles (sueurs, sensation d’insécurité…) afin d’éviter au sujet d’effectuer le mauvais choix. A noter que certains patients atteints de lésions cérébrales frontales ventromedianes continuaient de leur côté à piocher dans les paquets dangereux, sans recevoir d’avertissement de leur corps.

On le voit, le cerveau du lézard est souvent bien meilleur pour évaluer les risques que notre pensée linéaire et discursive. C’est pourquoi la Darpa essaie de mettre au point des jumelles capables de court-circuiter le conscient et se brancher directement sur les parties primitives de notre cerveau pour repérer plus efficacement les dangers.

Comment notre cerveau nous protège des risques et comment on peut le tromper

Mais le « cerveau du lézard » n’est pas toujours aussi efficace. Par exemple, il est très effrayé à l’idée de perdre de l’argent. Si on demande à quelqu’un de parier en lui promettant soit une perte de 100 euros soit un gain de 150, sachant qu’il peut parier autant de fois qu’il le désire, il aura tendance à refuser. Pourtant sur plusieurs coups, les risques non seulement s’annulent, mais vont dans les sens du gain. On a statistiquement des chances de terminer la partie 25% plus riche qu’au départ. Mais le lézard n’aime pas le risque. Lorsqu’on propose ce type d’expérience à des patients possédant des lésions dans l’une des parties du cerveau concernées par le processus de décision, ils semblent dépourvus de cette « aversion à la perte ».Autrement dit, des cerveaux défectueux s’avèrent parfois davantage capables d’effectuer de bons investissements que ces cerveaux sains !

Naturellement, si des lésions cérébrales sont en mesure d’influencer nos décisions, de nombreux stimuli sont en mesure d’interférer avec notre rationalité. Dans nos colonnes, nous avons relaté à plusieurs reprises comment notre objectivité pouvait être trompée dans les mondes virtuels par l’aspect de nos avatars : par exemple, un avatar plus grand aura de meilleures chances de réussir une transaction. De même, il vaut mieux qu’il soit fortement sexué, l’androgynie ayant tendance à ne pas favoriser les échanges virtuels…

Dans le monde réel, aussi, nos choix dépendent de conditions tout à fait particulières, au premier rang desquelles on trouve bien sûr les produits chimiques.Une expérience de psychologie sur la confiance donna des résultats particulièrement positifs après que les sujets eurent inspiré un produit contenant de l’Ocytocine via un spray nasal. Cette hormone, qui déstresse et augmente la sociabilité, est produite dans le corps lors de l’allaitement, de l’accouchement et des rapports sexuels… Mais point n’est besoin de recourir à des composants aussi difficiles à trouver. Vous voulez mettre toutes chances de votre côté ? Selon une récente expérience, vos transactions auront plus de chances d’aboutir si vous offrez une boisson chaude à votre partenaire. Lui proposer une boisson glacée aura tendance, littéralement, à refroidir l’atmosphère.

Pour le professeur d’économie comportementaleDan Ariely, nous sommes non seulement irrationnels, mais, aussi bizarre que cela paraisse, notre irrationalité est prévisible. Autrement dit, nous refaisons toujours les mêmes erreurs. Parmi les comportements répétitifs, il y a par exemple l’incapacité de juger un prix indépendamment de son contexte. Ainsi, explique-t-il, nous avons tendance à choisir toujours le produit à coût moyen, à mi-chemin entre le plus onéreux et le meilleur marché. D’où l’intérêt, selon lui, qu’ont certains restaurateurs de proposer toujours un plat hors de prix – afin de pousser les clients à demander celui qui se trouve juste en dessous – un plat dont on aura, bien entendu, optimisé le rendement.

Dan Ariely raconte d’autres expériences quasiment surréalistes. Par exemple,on a demandé à un panel de sujets de se remémorer les trois derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale. Ensuite, on leur a présenté une série de produits à acquérir et leur a demandé : « Combien seriez-vous prêts à payer pour chacun de ces produits ? ». Conclusion : ceux qui avaient les numéros de sécu les moins élevés étaient également ceux qui étaient le moins disposés à payer de fortes sommes. C’est ce qu’Ariely nomme « l’ancrage ». Les sujets avaient été « ancrés » dans leurs évaluations par leur numéro de sécurité sociale.

Notre trop grande confiance en nous est un autre exemple classique de nos biais cognitifs. Posez à quelqu’un une question à laquelle il doit répondre par un nombre, mais dont il a peu de chances de connaitre la réponse (combien d’habitants à N’Djamena ?). Proposez-lui ensuite de fixer une marge d’erreur, de la taille qu’il désire. La plupart du temps, sa réponse sera non seulement fausse, ce qui est normal, mais tombera même en dehors de la marge d’erreur, à laquelle il aura assigné une largeur trop étroite. Nous voulons bien admettre avoir un peu tort, mais nous pensons trop souvent être approximativement justes. Nous ne soupçonnons pas à quel point nous pouvons nous tromper.

Ariely expose de nombreux autres comportements de ce type dans son livrePredictably Irrational et sur son blog.

La politique de l’irrationnel

L’ensemble de ces travaux sur la décision a donné naissance à une nouvelle discipline, la neuroéconomie, également nommée économie comportementale et à son fameux rejeton, le neuromarketing. Mais si le neuromarketing laisse souvent sceptique, la neuroéconomie, elle, n’est pas aussi dépréciée. Cette science qui étudie l’influence des facteurs cognitifs et émotionnels dans les prises de décision joue un rôle important pour comprendre les comportements politiques, et a eu une vraie influence sur le retour des démocrates sur la scène américaine et lors de l’élection de Barack Obama. Notamment au travers de Thaler et Sunstein, auteurs du livre Nudge, improving Decision about Wealth, Health and Happiness(que l’on pourrait traduire littéralement par Coup de coude pour améliorer la décision sur la richesse, la santé et le bonheur – et qui a été traduit en Français depuis)…

Alors que le néolibéralisme imagine que chacun est un acteur économique rationnel, capable de maitriser pleinement ses choix, et que les keynésiens souhaitent réguler le marché soulignant par là que chaque acteur économique ne maitrise pas toutes les conséquences de ses actions, Thaler et Sunstein préfèrent une stratégie de l’incitation : plutôt qu’imposer des règlements, l’Etat « pousserait du coude » (Nudge) les citoyens à choisir les meilleures options à coup de formulations appropriées. Ce qu’ils appellent le « libertarisme paternaliste« . On n’oblige personne à faire le bon choix, mais on oriente insidieusement les gens dans la direction voulue. Les deux auteurs prennent exemple sur les associations de charité qui suggèrent de donner « 50, 100, 1 000 ou 5 000 dollars », sachant que le fait de simplement mentionner des sommes aussi élevées va avoir tendance à augmenter les sommes données. On n’est pas loin de la technique d' »ancrage » de Dan Ariely… Les « architectes du choix », comme ils nomment les décideurs politiques de demain, se trouvent dans la même position qu’un designer ou un spécialiste des interfaces. Un de leurs plus gros travaux consiste à correctement déterminer l’option par défaut. Celle vers laquelle les gens se laisseront naturellement couler.

« Lorsque vous entrez dans une cafétéria »explique Thaler« vous vous retrouvez généralement en face du bar à salade. C’est une bonne chose, car si vous deviez passer par les hamburgers et les frites avant d’arriver aux salades, vous auriez plus de chances de craquer. »

Ainsi, on peut rendre certaines actions plus complexes, tandis qu’on simplifie celles qu’on souhaite voir adoptées. Par exemple, parmi les coups de coude que suggèrent les auteurs (.pdf), il suffit de ne plus interdire aux motards de circuler sans casque. Mais ceux qui voudront rouler tête nue devront passer un permis supplémentaire. Pour remédier à certains des mauvais comportements du consommateur américain, les deux auteurs suggèrent ainsi que les salariés souscrivent automatiquement au plan d’épargne retraite de leur entreprise, sauf s’ils le refusent explicitement. « Dans le monde idéalisé de l’économie néoclassique », explique John Cassidy dans la New York Review of Books« cela ne fait pas une grande différence. Les gens rationnels décident de ce qui est le mieux pour eux. En fait, à cause de la tendance à maintenir le statu quo, ou par pure paresse, l’option par défaut compte énormément. » En fait, selon le même article, le nombre de gens inscrits à un tel plan d’épargne passe de 50-60% à 90% lorsqu’une telle mesure d’inscription automatique est mise en place.

On a appris en début d’année que Cass Sunstein était nommé à la tête du bureau des régulations de l’administration Obama. Attendons-nous donc à une série de « nudges » dans les prochaines décisions américaines en matière d’économie…

Nous voici donc avec notre cerveau incarné dans un corps, et dont les perceptions comme les actions se manifestent de façon beaucoup plus embrouillées et complexes que notre éducation ne nous y a préparée. Il est donc temps, maintenant, de tenter un début de réponse à la plus grande des questions philosophiques : et maintenant, on fait quoi ?

Rémi Sussan

Ce dossier est paru originellement de janvier à février 2009 sur InternetActu.net. Il a donné lieu à un livre paru chez Fyp Editions : Optimiser son cerveau.


Comprendre le fonctionnement du cerveau est l’un des enjeux de la convergence des technologies à la fois parce qu’il est devenu un objet de technologie, mais également parce l’étude de son fonctionnement permet d’envisager des technologies pour dépasser ses limites. C’est ce que va essayer de nous faire comprendre Rémi Sussan dans ce dossier d’InternetActu.

Dans la perspective d’une convergence des nouvelles technologies dans ce qu’on appelle les NBIC (neurosciences, biotechnologies, informatique et cognition, voir l’explication qu’en donne Jean-Michel Cornu), la cognition est celle dont la présence reste la plus mystérieuse. Il est facile de saisir l’aspect technologique des nanotechnologies, de la biotechnologie ou, bien sûr, de l’informatique. Mais la cognition n’est-elle pas quelque chose de plus abstrait, de plus fondamental ? Ne se trouve-t-on pas plus dans le domaine de la science pure, à la rigueur de la médecine alors que les trois autres initiales désignent plutôt de nouvelles branches de l’ingénierie ?

Regarder le fonctionnement du cerveau sous son aspect technologique est certainement le changement de paradigme le plus troublant de ces dernières années : avec la cognition, c’est-à-dire l’étude des processus mentaux, l’esprit humain a perdu ses derniers restes de sacralité. Comme la matière, comme la vie, il se manipule, se triture, devient prétexte à des expérimentations de toutes sortes.

Ce rapport technologique au cerveau, on peut le décliner d’au moins trois façons.

La plus évidente, spectaculaire, « high-tech » : Le cerveau, de plus en plus, devient objet de technologie. Autrement dit, on multiplie les interfaces, les produits chimiques destinés à modifier son fonctionnement. On l’augmente, on l’améliore, on le rend toujours plus perfectible. C’est le rêve du cyborg, qui en devient kitch à force d’être futuriste.

La seconde manière d’envisager le sujet est plus subtile, plus philosophique : elle souligne que l’esprit n’est jamais absent de la technologie. C’est-à-dire que comprendre le fonctionnement de notre cerveau peut nous aider à trouver des technologies qui permettront de dépasser ses limites.

Comprendre la nature de l’information, le fonctionnement de l’esprit est donc nécessaire pour maitriser la nouvelle révolution technologique. C’est un peu ce qu’affirme William Wallace , dans le fameux rapport NBIC de la NSF (.pdf) :

« Ce que les cogniticiens peuvent penser
Les gens de la nano peuvent le construire
Ceux de la bio peuvent le développer,
et ceux des technologies de l’information peuvent le maitriser. »

Autrement dit, ce qui peut être pensé peut être réalisé. Mais qu’en est-il de ce qui ne peut pas être pensé ? Ce qui apparait tout d’abord comme un truisme (bien évidemment, si on ne peut penser à quelque chose, on ne peut le réaliser) peut aisément se transformer en un projet « d’homme augmenté ». Comment penser ce qui n’a jamais été pensé ? On peut peut être y arriver en « boostant » les capacités du cerveau, mais aussi en en construisant de tout nouveaux, débarrassés des limites cognitives de notre organe biologique, qui, on va le voir, sont nombreuses. Une attitude prônée par certains futuristes « singularitariens » qui considèrent l’architecture de notre cerveau comme trop obsolète pour être sauvée.

Une troisième vision, peut-être la plus importante, se situe plutôt au niveau des mentalités. Le cerveau peut être vu comme un objet technologique en lui même : un nouveau modèle d’ordinateur dont chaque possesseur doit, chacun à sa manière, acquérir la maitrise.

C’est peut-être le point le plus important des technologies NBIC : si pour beaucoup elles représentent de nouveaux et terrifiants moyens de contrôle par les États, les institutions, les corporations, elles possèdent toutes la promesse de devenir, entre les mains de l’individu lambda, des outils susceptibles de l’aider à prendre en main sa destinée.


Image extraite du New Scientist.

Du coup, entre le scientifique pur et le technicien professionnel se dessine maintenant un troisième type de chercheur : le hacker, celui qui cherche à comprendre comment marche la machine et à l’utiliser à son profit. On a vu comment cette attitude commençait à pénétrer la biologie, que ce soit sous la forme du biohacking, de l’expérimentation des techniques de longévité, ou de la génomique personnelle. Existe-t-il un mouvement analogue dans le domaine de la cognition ? Pas officiellement (on remarquera cependant le titre d’un livre, Mind Hacks qui a d’ailleurs donné naissance à un blog tout à fait excellent sur le sujet), mais en réalité, oui, et ce, depuis toujours : une simple tasse de café fait de nous un hacker cérébral, un « cognhaker » (c’est-à-dire un hacker cognitif).

En réalité, la tentative d’améliorer notre capacité mentale date de la nuit des temps : drogues, exercices mentaux de type yoga, psychothérapies en tout genre, de la psychanalyse à la PNL (programmation neurolinguistique), le hacking du cerveau n’a pas attendu les NBIC pour exister. Une différence pourtant s’impose aujourd’hui. Les méthodes variées utilisées par le passé reposaient toutes sur une une base idéologique, une croyance sur la nature de l’esprit auquel l’adepte se conformait : le yogi cherchait à atteindre la libération du cycle des naissances, l’usager de drogues adoptait un matérialisme extrême (ou, au contraire, vénérait les esprits des plantes), les partisans de la psychanalyse se déchiraient sur la nature de l’inconscient entre freudiens, jungiens, adleriens ou lacaniens… Ce qui caractérise le hacker mental d’aujourd’hui, c’est l’absence d’une vision intégrée et unique de l’esprit. Ce qui domine, c’est l’attitude du « truc et astuce » : on prend ce qui marche, quelque soit le niveau d’action de la méthode, chimique, psychologique ou même culturelle : on prend les bonnes molécules, on fait des exercices, on s’investit dans des activités culturelles comme la musique, on pratique la méditation non par conviction, mais parce que ses bienfaits sur les neurones se confirment de jour en jour (du moins parait-il)…

Un article paru l’année dernière dans Wired est très significatif de cette attitude. Un journaliste de la revue, Joshua Green, se donna quatre semaines pour améliorer le fonctionnement de son cerveau.

Un mois plus tôt était sorti dans le New Scientist un article sur le même sujet. Pour ce faire, il a donc attaqué le problème sous plusieurs angles. Il a tout d’abord changé son petit déjeuner : selon Barbara Stewart de l’université d’Ulster, un mélange de protéines et de vitamines est la meilleure combinaison pour le matin, et elle suggère un repas à base de toast et de haricots. Le New Scientist suggère comme alternative de recourir à la très anglaise Marmite à base de levure fermentée – expérience que je ne conseillerais à personne.

Notre expérimentateur s’est ensuite assuré de dormir son content (8 heures minimum), puis s’est attaqué à un usage productif de la caféine. Il ne nous communique pas la démarche qu’il a suivi pour ce faire, mais sachez que le meilleur moyen de consommer de la caféine est de la prendre sous la forme de petites doses fréquentes, plutôt qu’une grosse quantité en une fois. Mieux vaut plusieurs coupes de thé vert prises à une heure d’intervalle qu’un double expresso avalé d’un seul coup. Vous pouvez éventuellement combiner avec du jus de pamplemousse, ou plus banalement, avec du sucre pour optimiser les effets.

Notre cobaye s’est ensuite lancé dans des activités plus bizarres glanées ça et là dans l’actualité insolite des neurosciences : ainsi, il s’est mis à prendre ses douches les yeux fermés (il parait que ça augmente les capacités proprioceptives) et à écouter du Mozart, puisque les partisans de « l’effet Mozart » affirment en effet qu’écouter le musicien autrichien contribuerait à améliorer notre cognition.

Pour vérifier ses performances, le journaliste a recouru au Docteur Kawashima sur Nintendo et à quelques autres sites web. Ici encore, il n’existe guère de moyen de mesurer la valeur scientifique des exercices proposés par le célèbre professeur japonais.

Résultat des courses, une sensation de mieux être, nous affirme Joshua Green. Quelle est la part de l’effet placebo et de l’effet réel dans ce sentiment ? On ne le saura jamais, mais cette façon d’expérimenter sur soi-même est certainement promise à un bel avenir.

En effet, aujourd’hui, ce genre de pratique tend à se répandre, notamment dans les milieux proches de la haute technologie et des sciences : 30% des scientifiques, selon la revue Nature reconnaissent utiliser de la ritaline, du provigil ou des beta bloquants pour faciliter leur travail. Il m’est personnellement arrivé de croiser sur internet des non-fumeurs, utilisant les patches de nicotine pour profiter des bienfaits apportés à la concentration par cette molécule sans pour autant abimer leurs poumons…

Mais l’attitude de ce type de bidouilleurs se heurte à des challenges de plus en plus difficiles. On l’a vu avec la bio, il n’est pas possible de considérer l’ADN comme un simple programme informatique : trop compliqué, trop imprévu. De même, le cerveau n’est pas un ordinateur au sens traditionnel du terme, même si on a créé les ordinateurs dans l’espoir d’imiter les cerveaux. Il est donc nécessaire à notre hypothétique cognhacker d’acquérir certains principes de base qui lui serviront dans son investigation, et surtout, de savoir où les réflexes qu’il a acquis dans sa pratique de l’informatique risquent de nuire à sa compréhension. Il ne lui est pas nécessaire d’acquérir une connaissance exhaustive du sujet, mais au moins d’appréhender certains concepts fondamentaux que nous allons explorer dans les prochaines pages de ce dossier.

Rémi Sussan

Ce dossier est paru originellement de janvier à février 2009 sur InternetActu.net. Il a donné lieu à un livre paru chez Fyp Editions : Optimiser son cerveau.

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 Jean-Pierre Changeux

  • Un kilo et demi : c’est le poids moyen du cerveau humain adulte. Et cela fait plus de trente ans que Jean-Pierre Changeux explore « la jungle des neurones et des synapses qui le constituent ». En 1983, il déclenchait la polémique en affirmant, dans « L’homme neuronal », que le fonctionnement du cerveau est « intégralement descriptible en termes moléculaires ou physico-chimiques ». L’existence humaine déterminée par une série d’interactions « matérielles », le mental comme produit du neural : ces postulats semblaient envoyer aux oubliettes des siècles de métaphysique et des décennies de psychanalyse.

Dans les batailles d’idées, chacun est amené à radicaliser ses positions. Résultat, le public a l’impression d’assister à un affrontement entre avocats de l’inné et défenseurs de l’acquis. En somme, il y aurait d’un côté les tenants de la machinerie humaine et de l’autre ceux de l’esprit dominant la matière. A suivre Changeux dans les trente années de cours au Collège de France qui sont la matière de son livre, on découvre que ces oppositions manichéennes n’ont plus cours depuis longtemps. Certes, on se dit souvent que tout cela manque de poésie, on aimerait que le cerveau où siège la singularité de chacun échappe au froid calcul du savant. On peut trouver déplaisante ou peu convaincante l’idée que les cultures sont le produit de l’évolution biologique : encore faut-il ne pas la caricaturer. Face à ses lecteurs comme face à ses élèves, le professeur n’élude pas les objections, et le tableau qu’il déploie s’avère bien plus touffu et complexe que ce qu’on croyait. Changeux espère que l’alliance enfin réalisée des neurosciences avec les sciences de l’homme et de la société engendrera un « universalisme éthique naturaliste ouvert et tolérant ». Peut-être. Il faut en tout cas espérer qu’elle ne conduira pas à faire du cerveau humain l’enjeu des nouvelles luttes de pouvoir

Pour une défense de la neuroscience

Le cerveau de l’homme est l’objet physique le plus complexe du monde vivant. Il reste l’un des plus difficiles à appréhender. Il ne peut être abordé de manière frontale sans risque de cuisants échecs. […] Si l’on veut réfléchir utilement et progresser dans la connaissance de notre cerveau, il est indispensable de prendre en compte les multiples niveaux d’organisation hiérarchique et parallèle qui interviennent dans ses fonctions. Autrement, on risque de prendre le cerveau humain pour une collection un peu trop simple de gènes, de neurones, de « microcerveaux » ou de redonner de la vigueur à un dualisme totalement obsolète.

Les sciences du système nerveux ont, au cours des dernières décennies, totalement changé de visage. Il n’est plus de mise, comme autrefois, de creuser son sillon, enfermé dans sa discipline, voire son corporatisme physiologique, pharmacologique, anatomique ou comportemental. Avec la biologie moléculaire, d’une part, et les sciences cognitives, de l’autre, un nuovo cimento, de nouvelles synthèses, tant conceptuelles que méthodologiques, sont devenus possibles. […]

Au cours des années 1980, l’ingénierie génétique puis le séquençage à grande échelle de plusieurs génomes ont apporté une masse de données nouvelles aux multiples applications, en particulier dans les domaines de la physiologie, de la pharmacologie et de la pathologie. Avec la mise au point des méthodes d’imagerie, cette autre discipline fondamentale qu’est la physique a ouvert une voie d’investigation nouvelle reliant états mentaux et états physiques du cerveau. Avec un souci commun de conceptualisation et de modélisation théorique, ces disciplines ont fécondé un nouveau champ de recherches : la neuro-science, née en 1971, aux Etats-Unis, avec la première réunion de la Society of Neuroscience. Si la révolution de la neuroscience a bien eu lieu, elle n’a pas porté tous ses fruits. Loin s’en faut. Il nous faut maintenant franchir, pas à pas, avec beaucoup d’incertitude et mille précautions, l’immense terra incognita qui sépare encore les sciences biologiques des sciences de l’homme et de la société.

La complexité du cerveau

L’hypothèse originelle est que le cerveau de l’homme élabore le jugement moral et qu’il en possède les capacités. Comme l’écrit Spinoza dans l' »Ethique », « les hommes jugent les choses suivant la disposition de leur cerveau « . Cette position est-elle plausible pour le neurobiologiste contemporain ou n’est-elle qu’une boutade ?

Rappelons d’abord l’extrême complexité structurale de l’encéphale humain. On y trouve de l’ordre de 100 milliards de neurones reliés entre eux par, en moyenne, 10 000 contacts synaptiques, ce qui crée un nombre de combinaisons accessibles au réseau cérébral, estimé sur la base d’une connectivité rigide-je cite Gerald Edelman-, « plus élevé que le nombre de particules chargées positivement dans l’univers ». L’introduction d’une flexibilité fonctionnelle de la connectivité permet d’aller bien au-delà et fait tomber toute limite fixe, en incorporant l’évolution de l’environnement social et culturel dans l’organisation cérébrale. En outre, la connectivité cérébrale n’est pas distribuée au hasard : elle est organisée et relève à la fois d’un plan d’organisation propre à l’espèce, et largement soumis au pouvoir des gènes, et d’une « réserve d’aléatoire » suffisante pour assurer, au sein de l’enveloppe génétique, flexibilité épigénétique et ouverture aux mondes physique, social et culturel. […]

L’internalisation des règles morales et des conventions sociales

Une autre disposition, propre à l’homme, est l’exceptionnel prolongement du développement cérébral après la naissance. Ce processus rend l’organisation cérébrale adulte dépendante, de manière critique, de l’environnement social et culturel dans lequel l’enfant s’est développé. Des traces « épigénétiques » d’apprentissage (par sélection de synapses) se déposent dans le réseau nerveux en développement. Elles se mettent en place lors de l’acquisition de la langue maternelle, de la fixation de croyances et de l’internalisation des règles morales. Chez l’adulte, une dynamique évolutive plus rapide et plus réversible de mise en mémoire se produit, qui implique principalement des changements d’efficacité, plutôt que de nombre, dans les connexions. Elle rend possible une évolution des représentations sociales par innovation, sélection, transmission et stockage dans la connectivité cérébrale comme dans les « médias » extracérébraux : le livre, les images, les oeuvres d’art. Ces objets de mémoire, une fois internalisés, de manière consciente ou inconsciente, pourront désormais servir, lors de leur réactualisation dans la « mémoire de travail », de références dans le jugement moral.

Le jugement moral

Le mot conscience désigne pour nous une fonction cérébrale, un espace de simulation d’actions virtuelles où une évolution interne d’objets mentaux, une dynamique d’activités peuvent se développer avec une économie considérable de temps, d’expériences et de comportements. Cet espace conscient sert de lieu d’évaluation des intentions, des buts, des programmes d’action en référence constante avec :

-la perception actuelle du monde extérieur ;

-le soi et la narration mémorisée de l’histoire individuelle ;

-les mémoires d’expériences antérieures marquées somatiquement de leur tonalité émotionnelle ;

-les règles morales et conventions sociales internalisées.

De nombreuses tentatives ont été faites pour le modéliser, et il est satisfaisant de constater que la définition du neurobiologiste rejoint celle du moraliste. Pour Ricoeur, en effet, la conscience est « un espace de délibération pour les expériences de pensées, où le jugement moral s’exerce sur le mode hypothétique ».

Les origines de la nécessité morale

Arrivés à ce stade du raisonnement, nous nous accorderons pour dire qu’il ne suffit pas de connaître les dispositions du cerveau de l’homme au jugement moral pour comprendre les origines des règles morales.

La recherche des origines des normes morales se heurte, en effet, à plusieurs difficultés. La diversité des cultures qui ont occupé et occupent notre globe dans le temps et dans l’espace soulève le problème du relativisme des morales comme celui des philosophies ou des religions sur lesquelles elles se fondent. Sur ce dernier point, le psychologue Elliot Turiel, déjà mentionné, a mis en évidence, chez les enfants appartenant à des cultures différentes (par exemple, amish et juifs orthodoxes), deux domaines conceptuels distincts : celui des conventions sociales et celui des impératifs moraux. A partir de 39 mois, les enfants jugent acceptables les transgressions des prescriptions religieuses conventionnelles (jour du culte, coiffure, rites alimentaires) par les membres des autres religions, mais inacceptables les transgressions des obligations morales essentielles (calomnie, violence physique…) qui en font des victimes souffrantes. Ces travaux suggèrent qu’il existe dans le cerveau de l’enfant, et donc dans le nôtre, un domaine conceptuel distinct, un corpus de sentiments moraux, de prédispositions morales spontanées, qui pourrait se situer aux sources d’une éthique commune propre à l’espèce humaine. A l’opposé, les conventions sociales qui singularisent, par exemple, un système symbolique (religieux ou philosophique) d’un autre pourraient varier, de manière contingente et neutre, d’une culture à l’autre.

Les mythes de la mort

L’ Homo sapiens enterre ses morts. Il est le premier, dans l’histoire évolutive des ancêtres de l’homme, à avoir pris conscience du tragique de ce phénomène biologique. Son cerveau va tenter activement de rechercher des causes, d’inventer des « modèles » ou des « théories explicatives ». Cette capacité « projective » du cerveau de l’homme apparaît très précocement. On sait, par exemple, que les bébés attribuent des intentions à de simples figures géométriques se déplaçant sur un écran d’ordinateur. Le cerveau de l’homme, dès le plus jeune âge, est un « surproducteur » de sens. Il est remarquable que les premiers témoignages de l’écriture en Chine (sur les os oraculaires de l’époque Shang) soient de type divinatoire et tentent de donner du sens à des lignes de fracture présentes sur des pièces osseuses et distribuées strictement au hasard, c’est-à-dire précisément sans aucun sens.

L’homme, par son cerveau, est à la fois une espèce rationnelle et une espèce sociale. Comme l’écrit Durkheim,  » le seul moyen que nous ayons de nous libérer des forces physiques est de leur opposer des forces collectives « . Le cerveau des hommes réunis en société a donc produit, comme « modèle explicatif », des « représentations collectives » efficaces sur le plan social (mythes, croyances, pouvoirs magiques, forces surnaturelles…) qui se sont transmises de génération en génération, de cerveau à cerveau. Ces représentations collectives permettent d’organiser le temps, non seulement le sien, mais celui objectivement pensé par tous les hommes d’une même civilisation. Elles apportent une paix intérieure, un réconfort par la stimulation dans notre imaginaire de systèmes de récompense qui engagent des neuromédiateurs modulateurs (dopamine, opiacés). Oserais-je dire que l' »opium du peuple » acquiert ainsi une plausibilité neurale ?

Le beau, le bien, le vrai

L’abandon de toute référence à une « harmonie préétablie » imaginaire et l’incitation à un ascétisme salutaire de la réflexion donnent accès à une nouvelle conception de l’homme, de ses origines et de son avenir, sur la base d’une intégration transdisciplinaire pertinente qui réunit la biologie, la neuroscience, les sciences de l’homme, des sociétés et l’histoire des civilisations humaines. Cette nouvelle approche conduit au réexamen des trois questions fondamentales de Platon sur le Beau, le Bien, le Vrai, après avoir abandonné leur contexte essentialiste originel au bénéfice d’une conception unitaire des savoirs, comme le proposait déjà l' »Encyclopédie ». Chacune d’elles relève, en définitive, d’objets mentaux communicables de cerveau à cerveau au sein d’un groupe social. Chacune d’elles implique des « représentations sociales » épigénétiques, mais de types différents. Le Beau serait ainsi véhiculé sous la forme de synthèses singulières et harmonieuses entre émotion et raison qui renforceraient le lien social ; le Bien consisterait en la poursuite d’une vie heureuse de chacun avec les autres dans la société ; enfin, le Vrai serait la recherche incessante de vérités objectives, rationnelles, universelles et cumulatives, avec constante remise en question critique et progrès des connaissances ainsi engendrées.

Mais quel est le sens ou l’usage de tout cela ?

Pour y répondre, je mentionnerai un texte de 1972 de René Cassin, prix Nobel de la paix, auquel je suis très attaché, où celui-ci soulignait la « part immense de la science dans la conception, le développement et le respect pratique des droits de l’homme ». […]

Depuis la Renaissance, l’aspiration à la liberté d’examen (notamment la liberté de croyance) va de pair avec l’épanouissement de la liberté d’expression, intrinsèque à la pensée créatrice de la science. Le développement de la science a entraîné, mais indirectement, la reconnaissance progressive des droits de l’homme.

Aujourd’hui, le progrès fulgurant de la neuroscience permet de franchir une étape de plus. Comme je l’écrivais dans « L’homme de vérité », une meilleure connaissance de l’homme et de l’humanité permet de « valoriser la diversité des expériences personnelles, la richesse des différentes cultures, la multiplicité de leurs conceptions du monde ».

Ce savoir doit « favoriser la tolérance et le respect mutuel sur la base d’une reconnaissance d’autrui comme un autre soi-même appartenant à une même espèce sociale issue de l’évolution des espèces ». Néanmoins, et compte tenu de nos dispositions cérébrales, cela ne se fera pas spontanément et sans effort ; ce sera toujours une responsabilité difficile. Dans un monde fragile à l’avenir incertain, il nous revient d’inciter sans relâche le cerveau des hommes à inventer un futur qui permette à l’humanité d’accéder à une vie plus solidaire et plus heureuse pour et avec chacun d’entre nous

http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/changeux-cerveau-mode-d-emploi/989/0/293344


Entrez dans la Zone

Entrez dans la Zone

Damien Lafont

Quelle est cette mystérieuse Zone dont parlent de nombreux athlètes?

La Zone c’est cette sensation d’euphorie qui efface le doute et la fatigue. C’est cet état qui survient lors de ces moments où tout semble parfait, tout se met en place naturellement, tout devient simple et fluide. Comme si le corps savait quel est le bon mouvement. Car si la Zone est affaire de mental, notre corps est aussi de la partie.

Damien Lafont apporte un éclairage nouveau et complet sur cette dimension cachée du sport. Il passe en revue toutes les hypothèses et donne sa vision sur ces moments de vie intenses. Une enquête fascinante menée auprès des meilleurs spécialistes du domaine : athlètes, entraîneurs, chercheurs et écrivains touchés ou fascinés par la Zone ; un voyage étonnant !

Jusqu’à présent, cette expérience ne semblait accessible qu’au cercle restreint des champions. « Entrez dans la Zone » nous montre que nous avons en chacun de nous le potentiel pour la créer et nous donne les clés pour y parvenir. « Entrez dans la Zone » est une invitation à chercher, expérimenter, non pas pour trouver la Zone, mais notre propre Zone d’excellence. Un livre étonnant qui change notre vision du sport.

Biographie de l’auteur

Damien Lafont a longtemps joué au tennis sur le circuit des tournois français et participé aux championnats de France universitaires. Brevet d’état de tennis puis diplômé en sciences du sport, il est également Docteur en physique. Apres avoir travaillé au prestigieux Jet Propulsion Laboratory de la NASA, il fait maintenant partager son expérience hors du commun dans le monde du sport et des sciences, à la fois comme auteur spécialiste du tennis, de la perception et du mental et aussi, depuis 2010, comme consultant aux États-Unis pour Mental Training Inc.©

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